contre elle. Papa nous dit de venir rapidement sous l’amandier, planté par
son arrière-grand-père, il avait tenu ferme à toutes les tempêtes, il
résisterait bien à celle-là.
Abrité sous l’arbre, notre père installa les plus petits sur une haute
branche en leur demandant de s’accrocher et de descendre sous aucun
prétexte, tant que la tourmente ferait rage. Maman s’assit sur la branche
basse et je me serrais très fort contre elle. À l’instant où nous nous
mettions à l’abri, l’orage redoubla de force, la foudre avec fracas s’abattit
sur la colline et les pins aussitôt s’embrasèrent. La pluie décuplait de
violence et d’intensité, maintenant notre ruisseau tout à l'heure asséché,
charriait un puissant courant de boue.
— Voyez mes enfants, c’est notre terre qui vogue vers la plaine, elle va
enrichir de son limon de riches cultures, mais pour nous c’est du pain qui
file au cours de l’eau. Dieu nous t’avions demandé de nous apporter de quoi
manger, tu nous offres la misère et la famine. Qu’a fait ma famille pour
mériter ta colère ?
Mon père avait les yeux brillants, la mâchoire et les poings serrés. Je
l’admirais davantage en le voyant défier Dieu. Quel homme ! vraiment nous
ne risquions rien auprès de lui. Comme je l’aimais.
La pluie avait eu raison du feu rapidement, ce danger était heureusement
écarté, mais pour autant la tempête n’était pas finie, le ciel se faisait de
plus en plus menaçant au dessus de nous, tout à coup un énorme coup de
tonnerre claqua et de massifs grêlons se mirent à tomber, les feuilles de
notre arbre étaient broyées, des branches cassées. Mon père dit aux petits
de se recroqueviller la tête dans les genoux, quant à ma mère elle faisait
tout pour me protéger s’exposant elle-même aux grêlons qui s’abattaient
sur nous comme des pierres.
— Les chèvres, les chèvres, criait papa, ils vont me les tuer !
Effectivement, les pauvres bêtes complètement affolées tiraient sur leur
corde cherchant à s’enfuir, les chevreaux essayaient de se mettre à
couvert sous le ventre de leur mère, mais celles-ci paniquées les
piétinaient. C’était un spectacle horrible et pour nous le risque de perdre
tout espoir de survie. La grêle redoublait de violence, maintenant notre
ruisseau était devenu torrent, il charriait non seulement la terre, mais des
pierres énormes, des troncs d’arbres et d’autres détritus.