maigre seigle dans des champs grillés par un généreux soleil. Les maisons
du hameau sont basses, beaucoup avec terrasses et groupées le long de
notre unique rue qui mène à la place de l'église, là sous un grand et vieux
figuier, coule notre source.
Elle jaillit d'une grosse pierre grise que les hommes ont sculptée de visages
de saints protecteurs. Au-dessus du bec en fonte, ils ont creusé une niche,
que les femmes ont décorée, elles y ont installé une madone vêtue d’une
belle robe bleue, ses deux mains blanches tendues vers nous, comme si elle
nous offrait quelque chose. Car que pourrait-elle nous demander ? Une
bougie brûle en permanence dans cette niche, ce sont nos mères qui
entretiennent cette petite flamme, prière désespérée comme le chagrin qui
habite leur cœur.
Pour mieux résister aux assauts du soleil, nos maisons sont blanchies à la
chaux, les ouvertures portes et fenêtres sont réduites au maximum, et nos
volets pleins sont fermés tout le jour, ils ne seront ouverts que le soir afin
de laisser pénétrer la fraîcheur de la nuit. L'entrée est protégée d'une toile
de jute souvent rapiécée, qui sert tout autant à protéger du soleil que de
chasse-mouches. L'intérieur se compose d'une grande salle au sol de terre
battue, aux murs bien blancs, sauf autour de l'âtre recouvert de suie. La
misère est visible dans le dénuement de ces habitats, une table massive,
deux bancs, quelques étagères pour les pots et écuelles, un chaudron dans
la cheminée. Dans un coin de la pièce, quatre planches assemblées
retiennent un matelas de toile bourrée de crin, un rideau de même matière
qui descend d'une poutre fait séparation de ce qui est la chambre des
parents. Dans l’angle opposé, il y a des nattes qui sont déroulées le soir
pour servir de couches aux enfants.
À cette heure chaude du jour, le village est quasiment vide et
particulièrement silencieux. Seul le filet d'eau de la source, qui ronge
depuis des siècles le fond de son bassin, chante à cette heure sur la place.
De temps à autre, un vagissement de bébé crève cette torpeur, vite arrêté
par les soins de sa grand-mère qui le veille. Même les animaux domestiques
se taisent. Bénifaîo est en léthargie.
Quant aux adultes et les enfants, ils sont aux champs, car, ici, pour faire pousser des pois chiches et quelques piments, le travail est dur et requiert la participation de tous petits
et grands. Cette année le labeur sera plus pénible encore et plus dure la misère. Une interminable sécheresse brûle nos terres, empêchant les graines de germer et