BENIFAYO
passage de calme plat, un bon vent d’est nous faisait avancer à bonne
voilure. Que notre grosse Caraque soit bercée par des eaux trop étales ou
chahutées par un roulis incessant, pour le jeune mousse que j’étais, rien ne
changeait, j’étais toujours malade. Incapable de tenir sur mes jambes, je
roulais d’un bord à l’autre m’accrochant à tout ce qui pouvait m’empêcher
de tomber. Comment peut-on vomir pendant tant de jours, sans jamais
pouvoir avaler la moindre nourriture ? Je ne trouvais pas la réponse,
mais sans cesse mon estomac se révulsait. Cette sensation insupportable
me poursuivait jusque sur le bat-flanc ou mon oncle m’installait. Avec
douceur il me posait des compresses fraîches sur le front et restait près
de moi jusqu’à ce qu’épuisé je m’endorme.
A cette époque, insouciant je vivais heureux avec mes frères et ma sœur,
entouré de l’amour de mes parents. Pourtant, la vie était rude et difficile
pour toute la famille et notre pauvre terre aride avait du mal à nous
nourrir malgré un travail quotidien harassant.
Cette année-là avait été particulièrement sombre....
Bénifayo, drôle de nom pour un drôle de petit village niché sur des coteaux
brûlants au nord de Valencia. Loin des riches vallées de la Turia et de la
Jûcar où poussent, oranges, poivrons, salades et belles pastèques. Ici où
même l'eau manque souvent, on ne peut espérer que des pois chiches et un
A suivre..